N'importe où

N'importe où, hors du monde.
Pourvu que se soit hors du monde avec tout ce chargement
de sacs et de bidons, par dessus les portes bagages de toit
ou les remorques de routes.
Il a fallu plusieurs jours pour traverser le gué débordé,
aux alluvions collantes aux galets
sous le souffle des sifflements et des tirs à l'aveugle.
Au fond, le niveau est peu profond, les bacs glissent entre deux eaux,
celui qui est assis sur le bord regarde l'eau, celui qui est au fond regarde en haut.
Il y a un problème, la vitesse n'est pas en rapport avec la puissance consommée,
les empreintes sur la berge marquent le temps passé,
quand nous marchions encore résolus, décidés, innocents.
Il n'est pas trop tard pour pousser plus loin, gagner du temps,
gagner de la distances entre ces cibles mouvantes
et toutes ces nouvelles lettres aux adresses inconnues, inaudibles et incompréhensibles.
Le chemin de pierres, de bitume longeant le chemin d'eau,
le courant remontant le fleuve et le ruisseau englouti dans les égouts.
A chaque fois mes pieds perdent pied.
Je suis à deux doigts de me noyer dans cette flaque laissée une nuit de pluie,
une nuit où je n'ai pas dormi de deux heures à trois heures du matin,
endormi parmi les drapés, craignant  à chaque instant l'étouffement,
le retournement du matelas , le retournement tout court.




Les murs

Les murs mettent du temps a se réchauffer, à l'intérieur
des coquilles, rien de nouveau, les bruits obsessionnels
se sont tus, les bruits omniprésents se sont éteints 
De chez les voisins on ne voit rien, on n'entend rien. 
Trop tôt sans doute pour en tirer des conclusions 
sur la palissade.
Point de salut, au-delà de la palissade.
L'histoire commence, enfin, par des mots échangés
au-dessus de la palissade, quand, par une belle matinée
de rayons et de poussières, chacun de son côté
a tenté d'apercevoir les doigts des mains,
les ongles des doigts, les bras sous le tissus,
les veines sous le cuir.
Le début d'une histoire de mots échangés, pauvre vocabulaire
des gestes agités maladroits quand ni l'un ni l'autre
écoute l'autre pour communiquer sur le partage des taches
indélébiles étalées maladroitement.
Je suis obsédé par ce rêve déclinant le contact établi,
les distances abolies, la douceur des contacts,
ces mains touchant la chaleur du sang
répondu sur le linceul enveloppant la mémoire oubliée.
L'histoire n'est pas terminée, le réveil est douloureux.
Si tôt le matin, si loin de la nuit, je ne ferai pas demi-tour
pour aller chercher dans la nuit les restes hypothétiques
d'une rencontre. Par contre, je ferai bien demi-tour
pour aller chercher sous le sommier la poussière accumulée
des semelles, sans elle, les retours sont impossibles.
Elle a cette odeur diffuse des détails oubliés,
cette légèreté incolore transportant par transparence
ce qui n'est déjà plus.

D'énormes

D'énormes quartiers de roches nues Tombés au milieu de la forêt D'énorme quartiers de roches nues Tombés au milieu de la prairie De ...